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Croissance démographique et utilisation des ressources naturelles

La région du Souss-Massa est constituée de montagnes et de plateaux formant un château d’eau pour les plaines du Massa et de Tiznit. Ces ressources en eau sont en nette diminution du fait de cycles de sécheresse prolongés et récurrents, en raison de la dégradation des ressources naturelles (érosion des sols, recul des forêts, croissance de l’urbanisation, etc.) et d’un exode rural et agraire depuis plus d’un demi-siècle.

La province de Tiznit est subdivisée en trois zones géographiquement distinctes (la plaine, la zone montagneuse continentale, la zone montagneuse littorale) et la vie rurale y est rythmée par le fonctionnement du système Arganeraie. Les surfaces agricoles sont en majorité réparties en plaine et en moyenne montagne. La plupart des terres agricoles sont exploitées par leurs propriétaires (90%) et le mode de faire-valoir indirect représente 10%. Une typologie des exploitations agricoles montre la domination de la petite exploitation et de la céréaliculture, la pratique la plus consommatrice d’espace agricole (90% des terrains emblavés).

En 2004, la population de la Province de Tiznit, après avoir connu une très forte croissance annuel moyen de 5,2% entre 1960 et 1971, est passée d’un taux de croissance moyen de 0,9% entre 1982 et 1994, à -0,1% entre 1994 et 2004, à comparer pour la dernière période au taux de 1,4% pour la région et de 1,7% pour l’ensemble du Maroc. L’exode rural est donc encore très actif aujourd’hui. Pratiquement toutes les communes rurales de la province ont subi une baisse substantielle de leur population mais ceci n’est pas une spécificité locale, l’exode rural est une constante dans la dynamique urbaine marocaine.

Dans la région de Tiznit, les effets conjugués de la pression anthropique croissante sur les ressources naturelles et des conditions climatiques sévères engendrent des dysfonctionnements de l’écosystème général. Ces effets sont amplifiés par des systèmes inappropriés d’exploitation des ressources naturelles disponibles. Cela conduit à la régression des massifs forestiers, à la diminution de la disponibilité des ressources en eau et à leur pollution, ainsi qu’à la dégradation des sols pouvant engendrer la désertification et la disparition de certaines espèces. Ces perturbations, qui affectent les ressources biologiques et les potentialités des terres, se traduisent par la détérioration du niveau de vie de la population, l’abandon des terres et l’exode rural ou l’émigration. Les progrès liés à l’introduction de nouvelles techniques et de nouvelles politiques en matière d’environnement et d’aménagement hydro-agricole ne semblent plus contrebalancer cette dynamique démographique et économique. Dans ce contexte, des stratégies d’adaptation à ces contraintes semblent pourtant essayer de maintenir un certain équilibre entre la terre et les hommes. Ainsi, la pluriactivité pratiquée en milieu rural devient une norme de régulation, dans la mesure où les migrants cherchent un complément de ressources, soit en s’installant en ville (Grand Agadir), soit en tentant leur chance à l’étranger.

Migrations et croissance urbaine

L’aire du Grand Agadir a vu sa population croître à un rythme très élevé entre 1982 et 2004, passant de 258 200 à 678 600 habitants, soit un taux d’accroissement annuel moyen de 4,5%. Comparé aux autres grandes agglomération nationales, le Grand Agadir se situe au cinquième rang de par sa population après les villes de Casablanca (2 950 000), Fès (946 800), Marrakech (823 150) et Salé (760 200). Il a connu toutefois le plus fort taux d’accroissement annuel moyen entre 1994 et 2004.

Agadir est victime de son dynamisme économique, social et urbanistique, un atout majeur qui risque de devenir son handicap de demain. Dans le cas du Grand Agadir, une crise aiguë du logement est liée à la faiblesse des équipements et à l’insuffisance des infrastructures. Les pouvoirs publics ne parviennent pas à maîtriser le rythme d’urbanisation anarchique. Avec une concentration des équipements, des services et des emplois dans des zones bien délimitées dans la ville, les communes avoisinantes sont devenues des villes « dortoirs » qui jouent parfois une fonction de centre de services et de noyau industriel.

Un nouveau Programme National de Résorption de l’Habitat Insalubre (PARHI) a été mis en place par le gouvernement en 2003, avec comme objectif d’améliorer les conditions du logement. La ville d’Agadir se situe en troisième position après Casablanca et Marrakech, pour le nombre de bidonvilles. Parallèlement, 19% des logements sont vacants (12% au niveau national) et 4% du parc logement est constitué de résidences secondaires. Cette vacance s’explique par l’importance de l’émigration internationale dans la région, la fonction touristique de la ville, l’instabilité du marché et le déséquilibre entre offre et demande qui incite à la spéculation. La croissance urbaine rapide permet la prolifération de l’habitat informel sur toutes sortes de terrains (zones inondables, sols instables, zones sismiques). C’est le cas des quartiers de la zone piémont d’Agadir. Il y a donc un décalage net entre les projets d’urbanisme et la réalité urbaine. Les villes drainent une population de prolétaires agricoles qui nourrit la croissance démographique. Cet attrait renvoie moins aux capacités économiques d’accueil des villes qu’à un ensemble de mutations socio-économiques subies par la campagne marocaine.

Migration et modification de l’habitat

Les « primo-migrants » ont profondément modifié leur habitat rural. Si en milieu urbain, particulièrement dans les grandes villes, l’émigration internationale s’accompagne de changements de quartier comme signe de réussite sociale, ce sont plutôt les modifications du cadre bâti qui prévalent en milieu rural, notamment la construction de résidences luxueuses qui participent à l’urbanisation des campagnes. Celle-ci s’accompagne de l’éclatement des sites villageois et des douars, donc d’une dispersion de l’habitat. Le phénomène est frappant dans les régions montagneuses à forte migration, dans le Souss-Massa ou dans le Rif. Mais les migrants préfèrent aujourd’hui construire en plaine, le long des axes routiers, afin de se rapprocher des équipements et des infrastructures, notamment des écoles. Aujourd’hui, les émigrés construisent de plus en plus d’écoles, contribuent à l’électrification, à l’aménagement de pistes et de routes, au creusement de puits et à l’édification de mosquées dans les zones rurales. Du fait de l’engouement pour la ville, les primo-migrants ont renforcé l’attractivité de ce qui fut dans les années 1970 et 1980 de petits centres ruraux, devenus aujourd’hui de petites et moyennes villes (Anzi et Tafraout dans la province de Tiznit). Sous l’influence conjuguée des migrations, du retour des enfants et des parents qui travaillent dans les villes, ainsi que des techniques d’information et communication, les campagnes de la région de Souss-Massa sont au cœur d’un processus de micro-urbanisation, qui s’exprime par l’effritement de l’économie traditionnelle, l’émergence de nouveaux modes de consommation et de nouvelles aspirations en matière de logement, d’équipement et de services.

L’espace « facteur de départ » devient alors un « espace-refuge », un support affectif où peuvent s’établir des relations sociales permettant d’échapper à l’anonymat. Après un premier investissement dans le douar, les migrants partent généralement pour le chef-lieu de la province, surtout s’il est de petite ou moyenne taille car plus la ville est grande et moins il y a d’opportunités. La saturation des grandes villes explique aujourd’hui en partie ce phénomène de rétention des populations en milieu rural. La croissance s’est donc reportée sur les petites et moyennes villes satellites. Mais pour les nombreuses communes autour du Grand Agadir, il y a d’autres facteurs d’explication de ce phénomène : le tourisme, le coût de foncier et du logement à Agadir, la proximité d’Agadir, l’émigration interne, le développement des secteurs de l’industrie, de la pêche et de l’agroalimentaire, etc.