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Croissance démographique, développement de la culture du coton et gestion durable des ressources naturelles en zone Mali Sud

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La population est jeune avec une proportion des moins de 20 ans égale à 56% à Tao et 63% à Garalo. Elle est particulièrement jeune à Garalo (83% des habitants ont moins de 30 ans) et connaît des taux de natalité et de mortalité très élevés. La densité démographique est élevée à Tao (plus de 63 habitants au km²) et faible à Garalo (14 habitants au km²). Le taux d’accroissement de la population est élevé dans les deux zones du fait de la baisse de la mortalité à Tao, et de l’immigration à partir de 2000 dans les villages enquêtés à Garalo.

Les familles à Tao sont de plus grande taille (13,1 personnes reparties dans deux ménages) qu’à Garalo (11,7 personnes reparties environ en un ménage et demi). Le taux de dépendance est particulièrement élevé à Garalo, de l’ordre de 126% en moyenne, alors qu’il n’est que de 93% à Tao. Du fait de la jeunesse de la population à Garalo, la proportion des dépendants enfants est particulièrement élevée, surtout pour les exploitations pauvres. A Tao, ce sont aussi les exploitations les plus pauvres qui ont le plus de dépendants âgés. Depuis environ deux décennies, la zone de Tao connaît des départs en migration de familles entières à destination de nouvelles zones de colonisation agricole dans la région de Garalo. Cette commune enregistre un flux important de migrants agricoles originaires du vieux bassin cotonnier et du pays dogon.

La culture du coton est ancienne dans les deux zones mais sa généralisation est cependant beaucoup plus ancienne à Koutiala (Tao). Elle a contribué à une différenciation socio-économique des exploitations agricoles familiales. Aujourd’hui, cette répartition semble figée avec, pour les plus pauvres, très peu de perspectives d’amélioration de leur situation à travers l’agriculture, aboutissant à une certaine polarisation. Les changements sociaux majeurs de ces vingt dernières années pour la zone de Tao sont liés au processus d’éclatement des familles du fait de l’adoption par les cadets, de nouvelles valeurs sociétales, de l’augmentation des revenus individuels (des cadets surtout) à partir d’activités en grande partie non agricoles, au développement socio-économique des villages à travers la gestion des revenus du coton par les organisations paysannes, et à l’affaiblissement des autorités traditionnelles.

La promotion de diverses organisations paysannes, professionnelles ou communautaires, a favorisé l’émergence d’une nouvelle élite villageoise au bénéfice du développement local et de la mise en œuvre de la décentralisation. A Garalo, où la généralisation de la culture du coton est plus récente, la (re)structuration sociale est plus faible et la différenciation socio-économique des exploitations est moins marquée sur le plan des capacités de production même si une augmentation significative des revenus monétaires générés par le coton a été enregistrée par les exploitants. Les perspectives pour les exploitations les plus pauvres restent favorables en raison du potentiel existant. Les nouvelles institutions suscitées par l’encadrement n’ont encore qu’un impact social limité tandis que les institutions traditionnelles sont fonctionnelles et régissent la vie communautaire dans les villages. L’objectif majeur des exploitations reste essentiellement l’autosuffisance alimentaire.

La pression foncière liée à la densité démographique et à l’accroissement de la population crée des conditions d’instabilité sociale, à travers les conflits fonciers et l’éclatement des exploitations. Le système de tenure foncière dans les deux zones est régi par des règles traditionnelles en dépit de l’existence d’un droit moderne. Les contraintes liées à la terre, l’affaiblissement des institutions locales et les pratiques d’intensification culturale à Tao ont exacerbé les conflits dont l’origine est la volonté de récupération de parcelles prêtées depuis plusieurs générations. Ces conflits opposent très souvent des membres des lignages fondateurs, qui sont les anciens propriétaires coutumiers, à des membres des lignages alliés, principaux bénéficiaires du système de prêt de la terre. Si ces conflits perdurent, le risque de crise sociale est élevé. A Garalo, en revanche, du fait de la disponibilité en terres, le défrichement reste libre et les conflits fonciers sont quasi inexistants. Cependant, si le rythme d’arrivée de nouveaux migrants n’est pas maîtrisé, la situation pourrait se dégrader compte tenu des rivalités d’usages entre autochtones et migrants et de l’incapacité des autorités locales à gérer les questions foncières.

L’accroissement de la population a entraîné une intensification des systèmes de production dans la zone de Tao à travers un ager (terroir cultivé en continu) stabilisé et une tendance des producteurs à mettre en valeur des parcelles dans des zones moins favorables et normalement dévolues aux parcours du bétail. Les friches et les jachères ont disparu dans cette zone. Les producteurs sont toutefois conscients que le maintien de la fertilité des sols est lié à l’épandage de la fumure organique et à l’utilisation d’engrais chimique. Ces deux pratiques sont généralisées sur toutes les cultures à des doses élevées, particulièrement sur les parcelles de coton, et ce quelles que soient les catégories d’exploitation.

La commune de Tao connaît un niveau de développement social et économique relativement élevé. Elle est dotée d’infrastructures et d’équipements pour les services sociaux de base, les échanges économiques, le crédit, etc. L’ancienneté de l’intervention de l’organisme de développement et l’impact de la culture de coton, dont les revenus générés contribuent à renforcer la participation des populations à la réalisation de ces investissements, expliquent en grande partie la différence de développement des infrastructures et équipements collectifs entre ces deux zones. Par ailleurs, les relations semblent fortes entre densité démographique et émigration en milieu rural, surtout dans la zone de Tao où les villages de la commune connaissent depuis environ deux décennies une émigration vers de nouvelles zones de colonisation agricole. Cette émigration est la conséquence du prolongement des différentes stratégies foncières locales pour pallier les contraintes et l’insécurité foncière liées au système de prêt de terre, de plus en plus contesté par les propriétaires fonciers coutumiers. Au contraire, le niveau de développement de la commune de Garalo est plus faible et se limite à quelques infrastructures et équipements réalisés grâce à l’appui d’ONG. Garalo est une zone d’accueil qui connaît depuis environ deux décennies des flux importants d’immigrants liés à la disponibilité de terres de culture et aux conditions climatiques favorables à l’agriculture.

La perception de bien-être de la part des populations semble fortement lié aux revenus monétaires générés par la vente du coton et les possibilités d’accès aux services sociaux de base. En effet, pour la quasi-totalité des populations de Tao, leur état de bien-être au cours des quinze dernières années s’est amélioré du fait essentiellement de l’augmentation des revenus monétaires tirés de la vente du coton et autres activité génératrice de revenus, et de l’amélioration des conditions d’accès aux services de santé, d’éducation et de formation, à l’eau potable et au marché. En revanche, dans la commune de Garalo, où ces revenus monétaires sont plus faibles et l’accès à ces services sociaux de base plus limité, c’est une plus faible proportion de la population (39%) qui déclare ressentir cette amélioration, alors qu’elle est ressentie par toutes les catégories de la population à Tao (100% chez les riches et les intermédiaires et 86% chez les pauvres). A Garalo, l’amélioration est ressentie seulement parmi les exploitations aisées et intermédiaires.